Biya : les opposants diasporiques, Boris B.

Une de Mutations du 31.03.2015 - Copyright

Ces anti-Biya de la diaspora

1 – Brice Nitcheu, L’increvable du Ground zero
Exilé en Grande-Bretagne, il est principalement connu pour ses assauts multiples à l’hôtel où Paul Biya à l’habitude de déposer ses valises à Genève.
Brice Nitcheu est un vieux routier de l’activisme politique et l’un des plus redoutables adversaires au président Biya. Il est de la « première cuvée » des années 90. Il a fait ses premiers pas à Cap Liberté, auprès de Djeukam Tchameni, où il animait le Bulletin d’Information de cette Organisation, « Cap Info ». Il est secrétaire provincial de l’Union pour le Changement au moment des élections présidentielles de 1992. Il assurait alors l’intendance du siège de cette union à Douala.
On le soupçonne d’avoir imprimé les premiers « Cartons Rouges » qui avaient paralysé le pays dans l’imprimerie de son frère aîné l’Honorable Jean Michel Nintcheu. Entre 1990 et 1997, il est arrêté 18 fois, et accusé lors de sa dernière arrestation en juin 1997, de « tentative de déstabilisation des institutions de la République par la force ». Une campagne internationale lancée par Amnesty International ermet d’obtenir sa libération. En mars 1998, alors qu’il effectue un voyage à Paris dans le cadre du « Comité pour la libération de Puis Njawe », il est arrêté à l’aéroport de Douala, accusé « d’intelligence avec des forces extérieures », et assigné à résidence pendant plus d’un an. Il est lui interdit de quitter la ville de Douala, et il doit signer tous les jours dans un registre à la Direction de la surveillance du territoire.
Il quitte clandestinement le Cameroun en février 1999 pour l’Angleterre, où il y vit depuis lors.
Après avoir collaboré avec le Sdf, en 2007, il devient le secrétaire exécutif du Code, et crée, entre autre, la Fondation Moumie. « Je suis vigilant », déclare Brice Nitcheu, qui a pris soin de s’entourer des « durs » de la diaspora. Avec ses amis du Code, il a fait de Genève un terrain de bataille avec le régime en place. L’Hôtel Intercontinental, qu’il appelle le « Ground Zero », est l’une de ses cibles principales. Cet ami de Guerandi avoue que « depuis que ce dernier a été enlevé », il est conscient que tout peut lui arriver, mais il estime que « la peur a changé de camp ». Derrière son air inoffensif, se cache un activiste redoutable et implacable, qui est devenu la figure incontestable de l’opposition à Paul Biya dans la diaspora
Brice Nitcheu est expert-consultant sur les risques d’investissements. Il dirige une firme basée au cœur de Londres, dont il est l’un des fondateurs. Il travaille avec un réseau d’investisseurs, supervise et sécurise leurs investissements en Afrique, en protégeant les intérêts du Continent. «Nous avions sécurisé l’année dernière de nos partenaires plus de 200 milliards Fcfa pour un vaste projet dans le domaine Agro-industriel dans le Sud du Cameroun qui allait créer jusqu’à 5000 emplois», dit-il avec une pointe de regret. « Mais lorsque le pouvoir a découvert que j’étais derrière la dynamique, il a placé des barrières partout, et nous avons orienté le projet dans un autre pays africain ». «
 » Je ne reviens pas au Cameroun tant que Biya est là », dit-il. « Mais, nous serons au cœur de la transition dans ce pays, et personne ne nous l’empêchera », conclut-il.

2 – Ndzana Seme, La plume de la résistance
En exil aux Etats-Unis, il traite le régime de Yaoundé « d’incompétent ».
Ndzana Seme a travaillé à l’ex-Société camerounaise des banques (Scb) de 1979 à 1989 comme cadre responsable des crédits. C’est lui qui avait découvert la faillite de la société Bastos que d’autres cadres cachaient depuis des années. Après la fermeture de la Scb, il rejoint le journalisme. A cet effet, il devient rédacteur successif de l’Effort Camerounais, de la Nouvelle Expression (où ses articles amenèrent les activistes de Douala à lancer le mouvement de boycott des produits français, Claude Kienz le directeur de la Camair démissionna lors de mon enquête sur ses détournements, entre autres).
Puis devient directeur de publication du Nouvel indépendant. Pendant l’exercice de son métier de journaliste, il sera arrêté deux fois en 1994 et 1995 et emprisonné à Kondengui pendant 3 mois à chaque reprise pour offense du chef de l’Etat, incitation à la révolte, et non dépôt du journal au bureau de la censure du ministère de l’Administration territoriale. Après une condamnation à une peine de prison d’un an et 100 millions d’amende à la suite d’un appel introduit par le ministre de la Justice, Doualla Moutome, et deux tentatives d’assassinat, il sort du Cameroun en fin décembre 1995. En juin 2004, le régime lui a attribué la fausse nouvelle relative au décès du président de la République.
Aujourd’hui, Seme Ndzana ne cache pas son hostilité au régime de Yaoundé. Dans sa contestation, un objectif : « Faire tomber Paul Biya et sa clique ». Pour lui, « Il n’y a plus rien à attendre de ce régime ». Il affirme n’avoir milité dans aucun parti politique au Cameroun. Mais aura été en 1992 superviseur des élections dans l’arrondissement de Ngoumou pour le compte du Social Democratic Front (Sdf). « Le régime Biya avait tout fait pour me récupérer, y compris en envoyant un jour le ministre du Commerce de l’époque, Eloundou Mani, dans ma rédaction de Biyem-Assi pour me proposer de me joindre aux « élites beti » diriges par feu Emah Basile, Antoine Ntsimi, ou encore Joseph Owona qui me proposa 500 millions réservés à une presse beti et que j’avais exposé par exaspération dans le titre « Un Bamileké à Etoudi? Jamais! » qui m’avait valu ma première arrestation a Yaoundé en 1994; ceci après ma toute première arrestation politique a Bafoussam, en 1988, par un certain commissaire Ondoua (le même qui m’arrêta en 1994 sur ordres d’Owona) au motif de trouble d’une marche du Rdpc », confie-t-il.
Son exil, il l’a débuté par le Nigeria et le Burkina Faso, ou feu Norbert Zongo l’assista, faisant cotiser tous les journalistes burkinabés pour l’accouchement de son enfant, et ensuite les Etats-Unis qui avaient accepté son dossier de demande de refuge. C’est ainsi qu’en septembre 1998, il s’installe aux Etats-Unis. Titulaire d’une maitrise en sciences économiques en gestion des entreprises, université de Yaoundé, il obtient en 2001 un Ms (Master of science) in Finance, Financial Services Management à l’University of News Haven, Connecticut, puis en 2004 un MBA en Management a l’University of Connecticut, avec spécialisation en Marketing Intelligence. « Je suis un Project Manager. Je suis auteur de The Republican Peril – Dialectic for Democratizing Sovereignty, publie en 2007. En guerre contre Boko Haram, pour lui « l’incompétence de Yaoundé frise une complicité avec les terroristes », déclare-t-il.

3 – Patrice Nouma, Un teigneux au pays de l’oncle Sam :
Porte-parole du Conseil camerounais de la transition, il a demandé à Barack Obama de ne pas inviter le chef de l’Etat au dernier forum Us-Africa.
C’est sans doute l’un des Camerounais les plus surveillés par le régime de Yaoundé. Récemment des rumeurs sur sa disparition ont suscité des interrogations au sein de la communauté camerounaise aux Etats-Unis. Patrice Nouma se déclare aujourd’hui président du Conseil camerounais de la transition (Cct).
Aux Etats-Unis, où il serait arrivé en 2010, il porte différentes casquettes : hommes d’affaires, président de  » l’United states Africa joint development initiative » , homme de culture, etc. Mais la spécificité de Patrice Nouma, dans la contestation à l’extérieur du régime de Paul Biya, c’est d’avoir été militaire, directement lié à la sécurité du chef de l’Etat. D’ailleurs, il affirme avoir assuré la sécurité de la première dame de l’Etat du Cameroun à Paris, lorsque Chantal Biya était enceinte de Junior Biya.
Patrice Nouma s’est fait connaître principalement dans le cadre de deux affaires. Premièrement l’affaire Gisèle Alima. Cette ancienne employée du directeur du cabinet civil qui a passé 10 ans  » sans abris » dans les rues de New-York. Il l’a recueilli chez lui et a mené toute une campagne médiatique pour que celle-ci puisse retourner au Cameroun. Ensuite l’affaire François Ngoubene, percepteur de l’ambassade du Cameroun aux Etats-Unis qui a déplacé le compte du Cameroun à son domicile. Pour ces deux affaires, Patrice Nouma s’est présenté aux yeux de ses compatriotes aux Etats-Unis comme un « défenseur des droits de l’Homme ».
Patrice Nouma n’a pas toujours été un adversaire du régime de Paul Biya. Ayant assuré la garde rapprochée du couple présidentiel, il affirme lui-même avoir cru en Paul Biya en 1982, 1990 et même en 2008. C’est après cette période qu’il se rebelle et choisi l’exil. Il explique à cet effet, les larmes aux yeux avoir perdu l’un de ses amis dans la protection du régime et personne n’a dit mot.
S’étant plaint auprès de Grégoire Owona, il souligne par la suite avoir appris que le président avait réagit, mais que cette réaction n’était jamais parvenu à lui… Arrivé aux Etats-Unis, pendant trois ans, cet homme de la quarantaine, continuait à adresser des rapports au chef de l’Etat et à certains membres du gouvernement. Ce serait en 2014 qu’il s’est radicalisé et est allé jusqu’à écrire au président Barack Obama de ne pas inviter Paul Biya au sommet Usa-Africa.
Très infiltré dans les services de sécurité et l’administration camerounaise, il soutient la thèse d’une rébellion au Cameroun. Pour lui, il existe deux Boko Haram. Le Boko Haram du Nigeria et un Boko Haram camerounais qui sous-traite les ambitions politiques de certaines pontes du régime. Le Renouveau a échoué. Il souligne : « Le président prépare la fuite de sa famille comme il ne peut pas les mettre en prison et trouve le moyen de les faire fuir de manière officielle. Il ne veut pas mettre ses gens en prison et sait ce qui pourrait arriver. Il leur dit dès que cela commence, prenez vos bagages et partez».

4 – Patrice Nganang, le révolté
Celui qui appelle Biya « Mbiya » sur les réseaux sociaux se présente comme le « concierge de la République ».
Il est principalement connu pour son très grand activisme sur les réseaux sociaux. Le couple président, sont ses principales cibles. Né en 1970 à Yaoundé, Patrice Nganang vient de lancer également « génération change » dont les tee-shirts sont vendus au Cameroun par Gérard Philippe Kuissu, coordonnateur de l’association Tribunal 53 fondé par Nganang.
Cet ancien « parlementaire », qui est présenté par Jeune Afrique comme « un homme révolté », est l’auteur de quelques parutions. Parlant d’une d’entre elles, dans le quotidien panafricain écrit : « En 2011, Nganang reçoit le Prix des cinq continents de la Francophonie avec Mont Plaisant, un roman historique qui met en scène le sultan Ibrahim Njoya, le roi des Bamoums, qui vécut entre la fin du XIXe siècle et 1933. « (C´est) mon maître à penser », reconnaît l´écrivain, qui n´hésite pas à comparer ce souverain en avance sur son temps à Martin Luther, le réformateur de l´Église considéré comme l´un des pères de la nation et de la pensée allemande. « L´œuvre (de Njoya) devrait servir de point d´ancrage à la conscience collective camerounaise », plaide le chercheur, qui ne décolère pas de constater que ce chef persécuté par l´administration coloniale reste si méconnu ».
En décembre 2014, Patrice Nganang était arrêté à Douala pour « trouble à l’ordre public » puis relâché. C’était dans le cadre de la cérémonie de remise du prix Bibi Ngota. Mais beaucoup d’eau semble avoir coulé sous les ponts. Sur sa page facebook vendredi dernier, Patrice Nganang a fait une précision qui a surpris plus d’un observateur : « Je ne suis pas dans la contestation, non, je suis un écrivain, et les Camerounais savent tous ce que c’est qu’un écrivain. Ils savent aussi que le dernier écrivain de ce pays est mort en 2001. Je parle bien de Mongo Beti. Le concierge n’est pas un contestataire, non, et les Camerounais savent aussi dans leur immense majorité ce qu’est un concierge. Eh bien, je suis le concierge de la République ». Est-ce un changement de stratégie, seul l’avenir nous le dira.

5 – Venant Mboua : Exilé au Canada, cet ancien rédacteur en chef des « Cahiers de Mutations » était par ailleurs proche de Guerandi Mbara.
Son dernier fait d’arme, c’est l’organisation à Montréal au Canada, en compagnie d’autres compatriotes, d’une journée de commémoration des émeutes de février 2008 et des morts de Boko Haram.
Né à Bodko, un village de l’arrondissement de Ngambé, région du littoral, son père, un ancien upéciste souvent emprisonné et torturé, a fini sa carrière politique comme conseiller municipal à Ngambé. Il estime être « un enfant de l’insoumission, de la dissidence ».
Pendant les années de braise, il était étudiant à l’université. Il n’était pas parmi les activistes du « Parlement », association estudiantine de contestation. Etudiant à l’Ecole normale supérieure (Ens), il tente de mettre sur pied avec l’enseignant Ambroise Kom, une branche locale de « Human rights watch ». Mais l’association est dissoute par le ministre de l’Administration territoriale de l’époque, Gilbert Andze Tsoungui. Il a animé le Théâtre au campus, avec la troupe de l’Ecole normale,  » La Normalienne.
 » Le metteur en scène, recruté par la direction de l’Ens, l’adopte d’entrée de jeu. Après avoir enseigné pendant quelques années à Bakou et à Yaoundé, il entame deux carrières : journaliste et comédien. Mais déjà étudiant, il écrivait sous le pseudonyme de Jacques Keiy Yogo. Il atterrit finalement au journal « Génération », où font déjà leurs premiers pas depuis quelques mois, des noms aujourd’hui bien connus : Melvin Akam, Richard Touna, Thierry Mouelle II, Alain Pangop, etc. Après « Génération », il travaille pour le groupe Emg qui publie « Dikalo » et « Challenge Hebdo ». Il en devient le correspondant à Yaoundé, toujours sous le pseudonyme de Jacques Keiy Yogo.
Depuis 2007, il est finalement installé au Canada. De 2008 à 2009, il est au lancement de la web radio Cameroovoice. Il anime l’émission politique « Sans détour », où il reçoit en avril 2009, pour la première fois à la radio, l’ancien putschiste Guerandi Mbara. Les deux hommes deviennent proches et entreprennent une collaboration et partagent certaines ambitions. Il serait d’ailleurs en train de mûrir un projet sur Guerandi.
Pour Venant Mboua, le pays est, à ses yeux, «englué dans un système prébendier, avec des dirigeants et élites intellectuelles arrogantes, peu courageux pour défendre leurs convictions et qui n’encouragent pas ou ne poussent pas le président de la République au changement. Lorsque les parents deviennent impotents, les enfants les mettent à la retraite, les protègent et prennent la direction de la famille. Aucun vieillard n’avoue qu’il ne peut plus diriger sa famille », confie-t-il.

6 – Napi Tagnidoung, Garder Biya dans une maison de retraite
C’était l’objectif d’une opération conduite en décembre 2014 aux Etats-Unis à l’occasion du sommet Us-Africa.
Né en 1968 à Mbouda dans la région de l’Ouest du Cameroun, Napi Tagnidoung vit actuellement aux États-Unis où il organise régulièrement des manifestations anti-Biya devant l’ambassade du Cameroun ou devant la Maison blanche à Washington. Cet ancien leader estudiantin des années de braises fut de ceux qui étaient exclus de toutes les universités en avril 1993 à cause de leur militantisme auprès de l’Union pour le changement et leur radicalisme contre une université payante.
Napi Tagnidoung est également l’un des fondateurs du Cnr/Mun (Conseil National pour la Resistance mouvement Umnyobiste) et du Code (Collectif des organisations patriotiques et démocratiques des Camerounais de la diaspora), il y a de cela plus de 10 ans. Il est actuellement le président de sa branche Code-Usa, un collectif d’organisations de la diaspora camerounaise connu pour sa pression politique sur le gouvernement Biya. De nature très calme, ce diplômé en management global de l’université de Bridgeport aux Etats-Unis est de loin ou de près derrière toutes les manifestations et actions de 2003 à nos jours aux Usa contre le régime de Yaoundé.
L’un de ses derniers faits d’armes est sa descente à l’hôtel où loge le président Biya à Washington DC, « Four Season  » le 06 décembre 2014 vers 5 h du matin pendant le sommet US-Africa. Il était à la tête d’une action d’élite: Le « commando d’Amour. » L’objectif de cette opération confie-t-il : « Arracher Biya par amour afin de le garder dans une maison de retraite aux Usa où les membres du Code-Usa pourrions prendre bien soin de lui et surtout permettre une transition pacifique à la tête de la nation ». Heureusement, les responsables de l’Hôtel Four Season et la police de la ville sont intervenus. Aujourd’hui Tagnidoung milite activement « au sein des patriotes de tous les bords afin d’organiser un mouvement pour l’alternance au Cameroun à l’horizon 2018 ».
Cet intellectuel est aussi doué en comédie, depuis son enfance à l’école primaire de Toumaka. Tagnidoung est le fondateur de NapiShow qui fait la pluie et le beau temps dans la communauté camerounaise de Washington DC et New York City sous la direction de Mme Lucie Djiemeni, une showbiz woman de Washington DC. NapiShow est une série humoristique présente sur YouTube dont M. Napi a su créer à son nom, qu’il anime et joue dans les cabarets et restaurants à ses heures libres.

Source : Mutations du 31.03.2015 – par Boris Bertolt